Une réalisation sous l'application SimplyMpress chez Mpressinteractive LLC, sur les markets d'Apple, d'Android ou d'Amazon...
En errant sur la toile
sous le champ letterpress, j’ai découvert de nouveaux terrains d’application
qui m’ont posé question. Il y a peu, je prônais en conférence la nécessité du
retour à la dimension solide pour justifier mon investissement dans les
apprentissages de l’impression typographique à l’intention d’une génération en
proie à une dématérialisation forcée…
Depuis un peu plus de
deux ans maintenant, je peine à réunir des témoins de ces âges que je célèbre ;
et j’y réussis aussi en étayant mon équipement en caractères mobiles comme s’élargit
substantiellement mon parc de presses typographiques. Et voilà que je découvre une
œuvre qui prétend participer du Letterpress reload… sans encre, ni papier !
Passées mes premières réactions, on verra que le projet sert malgré tout le
dessein annoncé.
Il s’agit non
seulement d’une appli mais d’une aventure assez complète et ambitieuse.
En 2011, John Bonadies boucle avec un large
succès sa campagne de crowdfunding sur KickStarter et lance sur l’AppStore LetterMpress. Malheureusement, je ne
possède pas de machine de la firme évoquée, alors je n’ai pas pu encore jouer.
Cependant, j’ai trouvé un ersatz – mais qui ne supporte pas la comparaison !!!
–, SimplyMpress, le ‘M’ pour mobile,
vous l’aurez compris. Ce dernier est gratuit (encore heureux !) quand le
produit de Bonadies, beaucoup plus complet, est payant ; une app’ à 5 ou 6
$, je crois. Les deux produits portent pourtant la même enseigne mpressinteractive LLC ; je n’ai pas
démêlé ça…
Avant de revenir sur l’expérience
du premier, regardons mon appli, un peu pourrie, il faut le reconnaitre.
Et là surgissent les
questions sur la dimension physique, de celle qui fait déserter de jeunes designers
pour retourner aux sources, celles de l’atelier, avec ses parfums d’encre et d’essence,
ses papiers qu’on doit fouler (ou pas – kiss or bite, that is the question…) et
les borborygmes des platines. Bref, je m’égare. Cependant, nul parfum, nul
craquement, nul souffle dans l’expérience qui nous est offerte là. Il s’agit de
« jouer au letterpress »… à l’écran ! Mais pourtant, n’était-il
pas question de recouvrer, de respirer ce dont l’ascète numérique ne transpirait
plus ? Là, pour le coup, pas de souci de justification ni de serrage de la
forme – quand, justement, LetterMpress
en propose une projection plus convaincante, nous le verrons. En gros, c’est un
mini-photoshop assisté qu’on nous sert. Pour finalité, quand même, le jet d’encre !
Enfin, en termes de parts, une majorité des productions doivent rester confinées
aux circuits numériques, ne s’échanger que via les réseaux – tout est fait pour
qu’on y customise les photos dans son téléphone –, et c’est pas plus mal !
Bon, au moins, ça ne salit pas les pattes.
D'abord, je choisi mes lettres. Il n'y a pas beaucoup de choix quand on veut se la jouer "woodtype". Je suppose qu'il faut se payer des polices en sus; certaines sont bloquées dans la version de base.
On peut importer des images depuis son répertoire. Celles-ci sont traitées comme des gravures. On peut, à loisir, changer les textures pour des effets plus ou moins "vintage"...
Et voilà l'encrage. On est loin du marbre. Ne pas compter non plus sur son nuancier Pantone; trois pauvres cursers et pis c'est tout.
Mais il y a un vaste choix de papier, dont certains faits mains! Si, si!
Il est évident que ce
gadget ne sert pas la cause, se contentant de satisfaire à l’offre des
aides-loisirs-créatifs sur une tendance bien portante, on le sait. C’est fait
pour poster ses vœux ou fêter tel anniversaire. Au passage, j’ai une pensée
pour tous les propriétaires de tables basses type Pier Import – ou Maison du
Monde ? – modèle ‘imprimerie’ ; eux aussi, contribuent à la
préservation d’un métier disparu et pourtant tellement charmant. He, les gars,
allez voir chez Casa, je crois avoir vu une toile peinte letterpress une fois…
L’appli au catalogue
Apple répond autrement.
D’abord, l’environnement comme l'interface
sont plus inspirés. On y trouve une véritable simulation. L’utilisateur
compose directement sur le lit de la presse comme d’ailleurs il animera le
chariot de pression au terme de sa création. Il se sert dans des casses dont l’origine
est bien réelles ; les alphabets ont été préalablement acquis depuis d’authentiques
caractères en bois. Pour justifier sa composition, l’usager utilise des blancs,
des interlignes. Il sert ses lignes avec des speed quoins ou directement avec
des aimants sur la presse. L’ergonomie convoque le tactile au-delà de seuls
points d’ancrage à tirer ; on se sert dans une boîte à outils pour
éprouver ces petites opérations qui sont le sel de la composition artisanale et
manuelle. L’offre de supports (le papier virtuel) comme le choix des grains,
plus ou moins « vintage » demeurent bien artificiels mais le décorum
est autrement assumé. Un lot de clichés complète les sets de lettres pour
imaginer des compositions complexes, à tirer en plusieurs passages et autant d’encrages. Le travail fini, on peut débarrasser sa forme dans une galée et la remiser pour un futur tirage.
L'essai d'un bloggeur sur Apple Gazette, un canal dédié aux produits et accessoires de la marque éponyme.
Ceci étant, mes
réserves pourraient persister quant au sens de tout ça et au regard du contexte.
Je participe, humblement, au mouvement de sauvegarde de l’impression
typographique comme je goûte le plaisir de manipuler ces matériels « physiquement » ;
des matériels dont une grande part du peu qui reste est toujours en péril.
Cette application ne participe-t-elle pas, elle, au phénomène de
dématérialisation généralisée et qui est la raison de ma motivation ?
En poussant un peu la
découverte, on apprend que la campagne de financement participatif – 15.000$
pour objectif, de très loin dépassés – avait pour objet, non pas à proprement
parler le développement ni le lancement, mais l’acquisition d’une bibliothèque
de formes physiques. En effet, la levée de fond devait permettre à la petite
entreprise de se doter des polices à numériser pour « équiper » l’appli.
En gros, c’était pour acheter des casses. Car les alphabets disponibles dans l’application
sont de véritables formes imprimantes. Mais elles n’ont pas que cette (seule)
nouvelle vie ; elles ont rejoint le fonds d’une autre structure, attachée
à l’aventure, l’atelier The Living Letter
Press à Champaign, Illinois. Ce plateau, dirigé par John Bonadies,
accueille de vrais imprimeurs en herbe qui prolongent l’aventure letterpress.
Aussi, l’appli n’est qu’un moment d’une entreprise plus ambitieuse de promotion
de l’impression typographique.
Ironie (?) de l’histoire,
les formes numérisées pour LetterMpress sont
au catalogue de MyFonts pour un usage
à l’écran, en versions bureau ET web !
Voilà une belle boucle
qui convoque des acteurs qu’il serait peut-être idiot de mettre en concurrence tant
ils jouent tous leur rôle, à leur échelle, pour le prolongement de l’expérience
typographique. Ces temps-ci, j’échange avec un camarade spécialiste de l’impression
3D pour étudier l’opportunité de réaliser de nouveaux matériels typo via ces
nouvelles technologies – bien inspiré par la fantastique expérience A23D conduite
par Richard Ardagh de New North Press en 2015. The Living Letter Press est un autre crossover ; une solution
pour concilier la conservation et les plaisirs de l’impression et les enjeux actuels.
C’est là une clef de l’avenir du letterpress – parce qu’on peut l’imaginer !
–, que de considérer dans une vision mutuelle, les gestes et les moyens
artisanaux avec les approches et supports les plus contemporains.
M'enfin, je préfère quand même jouer avec mes caractères en bois et m'en mettre plein les mains...
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