Cette année, aux Puces typo, à Bagnolet, je n’ai pas
acheté de bouquin mais que des trucs qui se mangent – et puis une ou deux
bricoles pour mon imprimerie, pour compléter mes outils. Surtout, j’y ai
rencontré, outre des passionnés, de jeunes créateurs et leurs démarches. C’est
que ce rendez-vous est avant tout un moment d’échange et de partage. Alors,
ici, je voudrais m’attarder sur quelques pistes comestibles que j’ai partagées,
à mon retour, au goûter !
N’imaginez pas que, par désespoir au regard des
piteuses statistiques de lecture de mon blog, je me tourne vers des sujets
autrement plus alléchants que les seules entrées sur les arts typographiques.
Mais, il faut bien admettre que le chocolat est un élément à part entière dans
ce journal, juste derrière le plomb…
Et quel chocolat !!! Du suisse – et du bon,
oserais-je ajouter, mais c’est un peu vachard. ‘Faut dire que c’est pas du
Milka, et on est dans une autre catégorie que celle des produits, pourtant fort
respectables, de Lindt & Sprüngli.
En fait, ce n’est pas que du chocolat. C’est de la typo
aussi. Avec un peu de design graphique autour. Cette proposition de la fonderie
Swiss Typefaces est un bel exemple de promo événementielle et une idée très
sympathique pour « emballer » le produit typographique. En fait, en
achetant une tablette de cet excellent chocolat – conçu en collaboration avec
un confiseur genevois –, on achète aussi une police du studio. Mieux encore,
les facétieux helvètes ont glissé un ticket d’or, à la Willy Wonka, dans l’une
des tablettes. L’heureux élu gagnera la totalité de leur catalogue, soient 6
familles largement déclinées et quelques formes supplémentaires. J’ai pas eu le
ticket… Mais peu importe, je me suis régalé comme Charlie !
SWTY ?
Les trois principaux acteurs de la fonderie sont passés
par Lausane (l’ECAL) avant de compléter leurs expériences sous différentes latitudes.
Maxime Büchi, créateur de Sang Bleu, s’est distingué dans le
tatouage auprès de Filip Leu, un des plus grands maîtres du genre. Son parcours
est assez « libre », alternatif dira-t-on, quand son camarade (de
promo ?), Ian Party est un pur
designer de caractère. Emmanuel Rey,
plus jeune, et qui partage sa vie entre la Suisse et Berlin, est, lui aussi,
graphiste et plus particulièrement designer typo. Le projet Swiss Typefaces
voit le jour à partir de 2006. Leur production assez contenue en volume n’en est pas
moins très exigeante. Toutes audacieuses, voire irrévérencieuses, que semblent
être leurs créations, elles sont pourtant inscrites dans un questionnement
permanent avec l’héritage typographique classique français notamment. Mais d’autres
contre-cultures, qu’elles ressortent des champs du tatouage, du hip-hop ou du
skate, passent les canons du genre au blender tant les animateurs de SWTY se
préservent de dessiner servilement des re-créations ou des réinterprétations trop
distanciées ; c’est ce qu’ils me confiaient l’autre jour. On s’entendait alors
sur une certaine tendance ronronnante de l’offre typo ; je n’ouvre plus
les newsletters de myfonts qui fournissent mes mails toujours plus fades ou
policées, dans le meilleur des cas…
Bon, je n’ai pas choisi ici la proposition la plus rock’n’roll !
En fait, le bon d’achat de 25 francs suisses permet d’acquérir l’une des cinq
fontes du Lab, sorte d’offre d’appel, vitrine aussi des tendances de l’enseigne.
On y trouve quelques versions alternatives de titres plus développés de leur
catalogue. Pour l’occasion, j’ai mis dans mon panier la typo de l’emballage de
ma tablette de chocolat – on pouvait, avec le code promo, choisir n’importe quel
produit, indépendamment de la tablette choisie. Et, pour le coup, elle est bien
suissesse celle-là ! En termes d’ADN, on pourrait même lui trouver
quelques brins allemands. Je n’ai pu m’empêcher de comparer le Capital de Swiss
Typefaces à l’Avenir du regretté Adrian Frutiger. En effet, on est là sur un
exercice qui hybride les grotesks primitives avec les modèles géométriques des
années 30 (enfin, 1927, devrais-je dire…) Mais la comparaison tourne court et
il vaut mieux s’en tenir à l’esprit alterno pour apprécier, comme il le mérite,
le Capital. Plus tranché que l’autre illustre référence, Capital n’a pas la
finesse – l’humanisme, même – de l’Avenir, pure merveille à mon goût. Néanmoins, c’est
une forme fraiche mais solide, assez puissante, et qui constitue une option
opportune pour le registre d’usage. De toute façon, il n’y a absolument pas
lieu de les rapprocher, ce n’était certainement pas le dessein des créateurs.
¶
En face des designers suisses, se trouvait une autre créatrice
qui, elle aussi, m’a séduit avec ses expériences comestibles. Et là, ce n’est
pas un coup de pub mais un vrai travail aux confins du graphisme et du design
culinaire. Pourtant, Émilie-Laura Accipe,
toute plasticienne qu’elle apparait, tient au domaine d’exploitation du
graphisme. Cette jeune créatrice titulaire d’un DNSEP option DG ne le tient pas
de Reims. Ses travaux portent bien sur la chose « imprimée » ;
mais à l’encre et au papier se substituent différentes préparations – et très
secrètes ! – de son atelier-cuisine.
Des Éditions au poêle,
je ne vous montre que cette carte à manger en pâte d’amande sérigraphiée. C’est
pour vous inviter à aller sur son site et y découvrir, par exemple, les origamis
à manger. Cette dernière proposition se présentait – aux Puces Typo – comme un
pli élégant contenant différentes feuilles toutes comestibles et aux textures
variées ; une œuvre à déguster pour le plaisir de tous les sens ! Enfin,
et ce doit être vraiment chouette, Émilie-Laura Accipe anime
différents ateliers où elle partage ses expériences avec des publics de tous
âges. Miam miam !
Épilogue
Non, cette fin n’est pas tragique ! Mais de ces productions il ne reste rien. Voilà le goûter du dimanche, en famille. Autour d’une petite salade de fruit, on a tout boulotté le chocolat et la pâte d’amande. Comme une moralité peut-être à ne pas sacraliser les productions d’art mais plutôt en jouir pour ce qu’elles offrent. Tout est là. Burp !
Sur un pralin de pistaches torréfiées, une ganache cerise enrobée de chocolat noir à 70%. Mmmhh…
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