Voilà deux ans que je tentais en vain de débusquer une
presse à épreuve de table, réputée être l’équipement le plus facile pour
rentrer en création typographique. Mon parc s’étoffait pourtant – je vous ai
présenté déjà mes machines encore en restauration pour certaines… – mais à part
une ou deux occasions ratées, pas de presse de ce type dans mon inventaire, ni
même sur le marché…
Alors la voici, enfin ! Elle est arrivée en juin
et a déjà bien roulé. C’est, je le confirme, mon jouet le plus accessible et,
pour l’instant, en attendant la mise en service de mes platines à pédale et à
bras, le plus performant. Jusqu’alors, je pressais avec du matériel Freinet ou
en détournant l’usage d’une presse de notaire. Je m’essayais même sur des
prototypes maison, que j’espère d’ailleurs développer encore. Après une
première phase d’apprentissage ponctuées de menues réussites mais surtout de
grosses (mais joyeuses) galères, c’est finger in ze nose avec ma nouvelle
Showcard !!! Cette superbe machine réduit la part des épreuves foireuses à
une proportion ridiculement anecdotique. Bref, elle est géniale !
On la présente parfois comme la Showcard 8*12. Il est
pourtant fait mention au catalogue du modèle 7*11 – en pouces, vous l’aurez
compris. 8x12, 7x11 ? Malgré toutes mes tentatives de relever les mesures
données par conversions, je ne parviens pas à retrouver les dimensions idoines…
Le terme « showcard » est employé aussi de
manière générique pour distinguer ces « job printing presses », des
presses pour la carterie, essentiellement, et autres travaux de ville
nécessaire aux artisans et commerçants…
Apparues dans les années 40 à Chicago, Illinois, les
Showcards de la société éponyme furent les principales rivales des Vandercook
sur le segment des presses « commerciales ». Car, si on les associe
aux presses à épreuves ou « de relecture », de ces plus grosses
machines, présentant parfois un groupe cylindre motorisé comprenant un encrage
automatique et intégrées à un meuble-table, ces petites répliques étaient,
originellement, destinées aux artisans et commerçants désireux de traiter
eux-mêmes leurs travaux quotidiens de promotions et « signage ». On
devait donc les trouver chez le fleuriste, le quincailler pour presser au jour
le jour telle offre sur tel produit. On les trouvait encore auprès de foyers
associatifs. C’est le cas de ma Showcard qui, dans sa première carrière,
tiraient des tracts syndicaux dans le Val-de-Marne. En fait, on pouvait en
trouver partout sauf, a priori, chez l’imprimeur ! Aussi, ces machines
étaient réputées – et pour cause – d’un usage facile, sans entretien et très
robuste. Elles ne nécessitaient pas de formation de typo mais étaient des
outils d’amateur. Ça tombe bien, j’en suis !
La fameuse Vandercook 0 dans une étonnante version carénée comme la Showcard, avec son appendice d’encrage. On connait mieux la première rouleau apparent avec un manche au dessus pour tirer le charriot de pression. D’autres modèles présentent des raidisseurs de part et d’autres du rouleau et qui assurent la rigidité attendue du bloc. (Image : Letterpress commons, un site qui offre des ressources et une collection de matos assez complète fondée essentiellement sur le patrimoine américain.)
En Europe, ces presses furent distribuées sous la
marque SOFADI. Ce sont exactement les mêmes machines, sous une autre licence.
La première marque vient d’une photo postée en 2010 par
Donna de la Steal, bloggeuse britannique qui fit l’acquisition alors d’une
showcard pour tirer de belles épreuves dans la langue de molière depuis
Brighton et parceque, disait-elle, la presse était française ! (voir http://minxdelasteal.blogspot.fr/
)
Ma plaque (à droite) indique une autre adresse. Le siège était
alors à Paris. Avant, après ? Ça ne nous avance pas… La
marque SOFADI a été déposée et enregistrée de nombreuses fois et dans
différents registres de commerce. Cependant, l’enseigne demeure à Montreuil, à
l’adresse indiquée. Il semblerait même qu’un imprimeur y ait élu domicile à la
suite de la disparition de notre fabricant…
Les caractères fournis (ci-dessous, de l'Antique Olive corps 46, adapté par SOFADI pour le marché français)
étaient conçus pour être composés à cheval sur des tiges transversales,
lesquelles se calaient dans les crémaillères qui entourent le lit de la presse.
Les plombs sont fendus à leur pied pour se ficher sur les dites glissières.
Néanmoins, ils sont fondus à la hauteur typo et peuvent être investis en dehors
du dispositif initial. De petits serrages faits d’un mini piston à ressort
venaient coincer la ligne sur la tige, elle-même crantées. Malheureusement, ces
petits accessoires ont disparu du lot que j’ai acquis. Mais je peux serrer ma
compo dans un châssis ou à même le lit de la presse avec des serrages typo
classiques.
J’ai trouvé la plupart des images qui illustrent cet article au catalogue du
fabriquant de juin 1984. Ce lien nourrissait un fil du forum Briarpress, où un
participant se renseignait sur le prix d’une showcard il y deux ou trois ans
aux Etats-Unis. Les autres (parmi lesquels Rick von Holdt dont ce fut la
première presse !) de lui répondre que la petite machine s’échangeait pour
150$ et, manifestement, se présentait assez fréquemment à la vente. Quand on
sait la difficulté à dénicher ce genre d’équipement chez nous !!! Non pas
par excès de pudeur, mais quand même, je ne vous dirais pas que je l’ai payée presque 4
fois plus cher (taux de change compris), ce qui n’est pas scandaleux au regard
d’un marché qui confine au néant. Et puis le meuble et ses polices faisaient
partie du lot auquel le vendeur avait associé un coffret Tiflex quasi neuf…
Dans le même temps, un ami a trouvé la sienne à Paris pour moins cher, ce qui
est exceptionnel ! C’est une presse légèrement plus grande distribuée en
son temps par Deberny & Peignot à la conception plus inspirée de la fameuse
Vandercook 0. Malheureusement, la sienne, qui se prénomme Hélène – moi,
j’appelle mes machine par leur nom d’usine, voire par tous les noms !!!
mais c’est un usage que de donner un nom de fille à sa presse – ne possède pas
de pince pour marger le document. Ce gadget s’avère indispensable au moment de
repérer pour un deuxième passage, par exemple, ou tout simplement pour la
dépose de la feuille, exercice au combien périlleux ! Ceci étant, mon
camarade – que je salue bien – a bricolé un système ingénieux avec des
trombones plats pour palier le manque. On peut aussi, mais c’est encore une
autre affaire, y greffer d’autres équipements ; Frédéric Tachot a ainsi
transformé des pièces piquées sur une OFMI – je crois – pour créer la pince sur
ses petites presses de relectures D&P. À voir chez les amis de
Format Typographique à Saran…
Déjà quelques petits travaux envoyés sur mon dernier
jouet. Un beau cliché d’un atelier venu d’Angleterre et cette maxime tellement
juste : on n’a rien sans rien ! C’était l’occasion de composer avec
des filets récemment acquis (le phylactère…) Et ben c’est pas commode à
justifier quand on veut y adjoindre des arrondis dont le corps ne correspond
pas ! Puis, ces derniers jours l’imprimerie a chauffé jusque très tard – et
toute la famille s’y est mis ! – pour un de mes premiers « gros
boulots ». Comme un cher ami m’a fait l’honneur de me demander pour
témoin, il ne fallait pas se rater sur le faire-part de mariage ! Thème
art déco ; c’est la commande. Là, il y a gravure relief et typo. Et
surtout trois passages (sur la carte aux portraits) rendus possible grâce à la
pince de la presse. On s’éclate !!!
Ça, c’était ma toute première impression. Un seul passage, à base de bois, plomb (Cheltenham gras et éclairé) et cliché. Et un peu de hip hop aussi…
*
Au chapitre des équipements pour l’imprimerie
commerciale, la marque Tiflex déjà évoquée dans le blog et qui, d’ailleurs,
proposait jusque dans les années 70 (peut-être 80 ?) une petite presse à
épreuve dans le même genre. Cette dernière, d’une dimension approchante, était
munie d’une manivelle sur son flanc pour entrainer le rouleau. Pas de poignée
au charriot, donc, et surtout l’obligation de la poser en bord de table comme
la plupart des presses taille-douce… Cette petite machine, déclinée en deux tailles, était beaucoup plus légère ce qui n'est pas un gage de qualité en la matière – ma Showcard pèse le poids d'un cheval mort!!! Le document indique 1096 (francs) HT, au milieu des années 70. Quelques années plus tard, la Showcard 7*11 avec son généreux kit d'équipement coûtait 780$, outre Atlantique, évidemment...
Ici, c’est une petite imprimerie de poche, qui contient
un composteur et des types en caoutchouc à utiliser comme un tampon. Les
petites lettres molles ont un profil adapté pour s’engager dans la glissière de
l’outil. C’est fait pour un usage d’appoint dans les contextes évoqués au
dessus. Je m'en servirai peut-être pour apprécier des copies à la rentrée!
La belle Hélène est une presse Deberny et Peignot qui commercialisait en France les presses à épreuves Vandercook. Selon le vocable de la fonderie Parisienne il s'agit d'une presse simple type 1 de format A (impression de format 33x45 cm). Il semble cependant que Deberny et Peignot ait commercialisé au moins deux séries différentes de ce format, une première basé sur le modèle 0 de chez Vandercook et au moins une deuxième série à laquelle s'apparente plutôt Hélène, basé sur le modèle Vandercook 099 qui se distingue par un renfort des montants passant sous le marbre. Paul Moxon, spécialiste américain des presses Vandercook retrace les modèles de la firme ici:Vandercook Timeline - Vanderblog.
RépondreSupprimerSelon une brochure Deberny et Peignot disponible en pdf sur le site communautaire drukwerkindemarge.org, « un appareil pour le repérage de la position papier peut être fourni pour les machines des trois formats », celui n'étant donc selon toute vraisemblance pas nécessairement livré de série pour ces presses avant tout destinés à l'impression d'épreuve directement positionné dans un plateau.
Un salut du camarade.
Je possède une sofadi showcard. Mes parents étaient commerçants et ils imprimaient leurs affichettes. J'aimerais en faire profiter un passionné, mais je ne sais où publier une annonce.
SupprimerBonjour Al, je discuterais volontiers de cette petite presse avec toi. Je t'invite à poursuive via mon mail ou sur IG @typo_poil ; je déserte ce blog depuis un bon moment... N'hésite pas ;-)
SupprimerMerci pour cette contribution éclairée et éclairante! A très vite pour échanger nos dernières impressions! Bien à toi.
RépondreSupprimerLe bus Vandercook fait rêver!!! J'évoquais dans un post dédié à la Roulotte la "Draw Draw mobile"; cette dernière, si charmante soit-elle ne tiendrait pas les highways de la typo comme ce van à toutes épreuves!
RépondreSupprimerJe m'étais fait peu ou prou la même réflexion me demandant ce qu'était devenu le Van des commerciaux italiens. Mais la "Draw Draw mobile" à un charme inégalable de même que "le velinomade" de Nicolas et Valentin, deux anciens étudiants. Atelier Tout seul et plus sur le Facebook.
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