Avertissement.

Chers lecteurs, parfois les textes se jouent des ordres que je voudrais pourtant leur donner et s'affichent dans des tailles variables, à leur gré. Je ne prétendrais pas exceller dans le print mais c'est moins catastrophique que dans le numérique!!!

lundi 20 février 2017

La grande Maryse

 
J’ai ramassé Maryse dans la cave d’une MJC dans la banlieue de Nancy. Un peu oubliée, elle avait pourtant servi et sensibilisé les jeunes aux joies de l’impression… mais façon arts plastiques. C’est pas qu’ils l’avaient maquillée ; elle était carrément tatouée voire scarifiée !

Je l’ai recueillie et un peu retapée de sorte qu’elle reprenne du service pour notre bonheur à moi et mes types…

 


Je n’ai pas pour habitude de baptiser mes machines ; elles répondent par défaut à leur appellation, leur modèle. Mais Maryse n’avait pas d’identité. Alors j’ai sacrifié au rituel.


 
Et voilà la vedette. Sans être plus goujat avec cette grande dame, la table est bien légère pour supporter le poids de la belle. Il faudra que je remédie à ça. Mais il s'agira de la soulever à la grue; le lit de la presse, hors chariot, doit taquiner les 150 kg...
 
Cette grande chose ne porte ni plaque, ni marque. En la découvrant d’abord sur photos, j’ai rapidement pû la rapprocher d’une autre représentante de la même espèce à l’Atelier aux Lilas, à Montreuil. Pas plus d’info là-bas – si gentils qu’ils aient été en me renseignant généreusement – d’autant qu’ils ne s’en servent quasiment pas lui préférant telle Jud ou Korrex (?), de ces presses à épreuve avec un gros tambour qui prend la feuille au passage – ils avaient jusqu’à peu une Fag hybridée avec des pièces Vandercook qui est partie depuis chez un autre monsieur très bien et qui œuvre pour la typographie créative et rigolote à Paris et dans la Marne. J’en ai repéré une autre (sur photos toujours) au Paris Print Club sur laquelle Guillaume Guilpart, collègue animateur du LEG à Estienne, roule ses créations. Mais je n’étais pas avancé pour autant…

En prolongeant mes recherches par l’image sur la toile je devais découvrir un petit bout de presse tout bleu logé dans le Texas chez Dirk Fowler, faiseur de grandes et belles images à l’enseigne de F2Design [ici, une vidéo de son travail; outre la démo sur sa Hauer Record, son discours sur le faire fait du bien à entendre.]
En dépit de ce qu’il la présentait comme ‘unnamed’, j’ai quand même écrit à cet acteur du letterpress US qui m’a très aimablement – et quasi instantanément – répondu. Ses recherches à lui avaient donné leur fruit entre temps. Il faut aussi reconnaitre le support de la communauté BriarPress où l’on trouve quantité de forums (ici et ) tous plus étayés les uns que les autres sur tout ce qui imprime là-bas voire ici-bas. Aussi m’a-t-il appris que Maryse était une Hauer Record, presse de fabrication allemande distribuée – pour celles qui circulent encore – en Hollande. C’est d’ailleurs aux Pays-Bas qu’on en trouve manifestement le plus à en juger par les infos compilées par Thomas Gravemaker, graphiste et imprimeur typo à Amsterdam (quantité d'images là.)
 

La bébête bien nommée, il s’est agi de la toiletter un peu. Deux pièces mobiles étaient désolidarisées ; je les ai rivetées comme je pouvais. Pour le reste, c’est essentiellement de l’huile de coude, un peu de pétrole et de WD40 et hop ! Enfin, quand je dis « hop », il aura fallu comprendre aussi comment ça marche. Ce n’est pas bien compliqué mais cette machine présente un chariot avec pression et groupe d’encrage ; l’un comme l’autre étant débrayable selon qu’on presse le papier ou qu’on encre la forme. La presse a ses « moments » et son animation. Ce n’est pas exactement un cycle mais il convient de bien saisir les positions sur les allers et retours du chariot. Tous les éléments sont en relation, se déclenchent les uns (par) les autres en fonction de la « station » du groupe mobile sur la portée de la table. En effet, et c’est ce qui lui vaut d’être aussi marquée aujourd’hui, le contre emploi des hauteurs des différents rouleaux peut, notamment, souiller le caoutchouc de pression d’encre, une fois la feuille débarrassée.
 
Le groupe d'encrage est constitué de quatre rouleaux amovibles. Engagés dans des glissières profilées dans les champs du chariot, ils peuvent en être extraits à volonté pour le nettoyage.
En bas de l'image, le gros machin en acier est le distributeur; c'est là qu'on dépose l'encre. Il est monté sur un mandrin dans lequel est usiné un pas de vis sans fin de sorte à le faire se déplacer sur son axe latéralement alors qu'il tourne, aussi l'encre sera mieux répartie sur les autres pièces.
Ce premier rouleau distribue aux deux autres (en haut sur la photo) qui sont des toucheurs. Ces derniers sont gainés de caoutchouc. Ils déposent l'encre sur la forme imprimante.
Enfin, le quatrième, lui aussi au-dessus des toucheurs, participe du lissage de l'encre.
Une fois l'encre déposée, une manivelle permet de tourner le groupe en suspension et à l'arrêt (c'est à dire à l'extérieur de la forme et sans contact) pour charger l'ensemble des parties en couleur. En bout de course des rails latéraux, une sorte de cale surélève et bloque les rouleaux, ce qui permet la prise de la petite manivelle.
Ici, j'ai appliqué différentes couleurs pour créer un "split fountain". Cet effet consiste en un dégradé, facilité, comme indiqué au dessus, par la capacité du distributeur à glisser latéralement pour fondre les transitions. On utilise aussi cette technique en sérigraphie de la même manière. On peut toujours le faire au rouleau à encrer depuis une table indépendante mais c'est autrement plus facile avec un groupe encreur intégré!
 

Il y a encore quelques réglages ; un truc qui m’échappe sur la prise de pince, mais globalement, je crois avoir saisi son mouvement.
 
Naturellement, une telle entreprise requiert des formes "à la hauteur". J'ai un goût particulier pour le plomb, mais là, il faut sortir du grand. J'ai bien quelques polices en alliage typo de corps 72 (des lettres "à pont") mais le bois est autrement adapté à la composition format affiche. Ce sont d'autres matériels, plus rares et souvent, dans ceux que j'ai la chance d'avoir, incomplets ou peu étayés.
 
Les formes ci-dessous sont en corps... 360!!! soient 30 cicéros. À titre de comparaison, c'est un corps 12 qui se dresse fièrement dans l'image du bas.
 
Là-dessus, dans la variété des formes investies, il faut compter sur de subtiles nuances de hauteurs qui nécessitent des "mises" par dessous pour hisser tout le monde au même niveau. Alors ce sont des petits bouts de papier à ajouter, à la pièce ici et là...
 
 
 
 
Ensuite, il faut garnir la composition pour la serrer. Pas de châssis à cette taille, du moins, pas en ma possession; on en utilisait pourtant dans la presse à l'époque!
 
Mon montage n'est vraiment pas exemplaire; j'ai laissé plein de trous entre les différentes lignes et posé des points de serrages dans tous les sens. Voilà pourtant tout ce que j'ai sorti pour bloquer ma compo; des kilos de plomb et d'alu, lingots et interlignes. Il faut déjà être équipé pour jouer dans ces tailles!
 
 
 
 
 
Et voilà le travail. C'est un test, "vite fait" (façon de parler) mais qui augure de plus franches réussites avec un peu de temps et de finesse. De superbes perspectives; dans des formats un peu plus modestes; là, je voulais "pousser" le vice au bout du linéaire...
 
 
 
Ce tirage sur papier affiche à dos bleu découpé à l'arrache; je n'avais pas grand chose en stock et rien à la feuille.
 
Ci-dessous, un papier d'emballage tout chiffonné; ça fait vintage, non?!
 
 
 
 



2 commentaires:

  1. Bravo à Maryse et au typo pour cette résurrection. Sinon, pourquoi Maryse ?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Ça ne relève pas d'une grande histoire. À défaut d'autre inspiration ou anecdote personnelle, j'ai retenu le nom de la dame qui présidait aux animations du foyer des jeunes où la presse se reposait. Comment le prendrait-elle? C'est pourtant une pensée -- car j'y suis attaché -- pour l'entreprise associative.

      Supprimer