Avertissement.

Chers lecteurs, parfois les textes se jouent des ordres que je voudrais pourtant leur donner et s'affichent dans des tailles variables, à leur gré. Je ne prétendrais pas exceller dans le print mais c'est moins catastrophique que dans le numérique!!!

jeudi 14 avril 2016

La belle Nationale

Je poste moins depuis quelques semaines. C’est que je suis bien occupé ! Voici quelques images de mon entreprise du moment. Remue-ménage de printemps dans mon garage-atelier…


Si je ne peux que vous conter l’épisode du déménagement de la belle machine dont je conserve des souvenirs épiques, voici quelques photos-témoins de l’avancée des travaux pour que, sous peu, la bébête presse de nouveau.
Laissez-moi vous présenter La Nationale. C’est une presse typographique à platine comme celle que m’avait apporté le Père Noël. Mais cette grande sœur là possède un autre entrainement : à pédale. Le grand volant n’est là que pour mettre l’arbre en marche ; autrement, il peut soutenir une courroie pour tourner avec un moteur. Pas de ça chez moi !
Si je prolonge actuellement mon enquête pour tacher de savoir quand cette machine a vu le jour, j’ai déjà quelques – rares – indices. Il y en a eu plusieurs modèles parmi une grande offre de presses à pédale à l’époque. Les premières ont apparu aux États-Unis puis en Grande-Bretagne dans le dernier tiers du XIXè siècle. Aussi les français et les allemands s’inspirèrent bien vite des brevets originaux pour fabriquer leurs propres modèles, via les grandes expositions industrielles. C’est autour de 1885 que les frères Hachée, ingénieurs de leur état, proposent La Nationale. Elle porte la marque de son créateur : Léon Hachée. On y associe cependant Fernand Hachée-Succr souvent. Paul-Marie Grinevald, à qui l’on doit l’une des plus précieuses contributions à l’histoire de ces machines (Les presse à pédales, édition des Cendres, Paris, 1997) m’a confié cette semaine une note nécrologique des héritiers Hachée nous renseignant sur la disparition de L. Hachée en 1901. Après quoi, la marque semble changer… D’autres informations contradictoires, produit de la base ExMachina de Lyon – dont j’ai déjà loué les précieuses ressources – ou des notices de la collection Pozzoli (collection de M. Maury à Malesherbes) donnent des dates d’exploitations postérieures. En attendant la réouverture de la bibliothèque Forney ou d’accéder au fonds documentaire de l’Imprimerie Nationale, l’enquête est en cours… La piste de l’INPI s’est avérée stérile à ce jour.
Enfin, cette machine n’est pas la toute première. Le modèle premier se distingue notamment par la physionomie de la table à encrer et son format (taille de la platine), plus modeste. Il s’agirait donc d’un modèle B au regard des mesures relevées.
Ce que je sais, et je n’en suis pas peu fier et respectueux, c’est qu’elle a appartenu à Blaise Fournier, un imprimeur important de Fontainebleau, aujourd’hui disparu. Il l’avait lui-même racheté à son premier patron dans les années quarante. C’est sa famille, que j’ai eu la chance de rencontrer, qui me l’a confié, m’accordant ainsi une confiance dont je serai toujours redevable. Car il s’agit d’un projet de restauration pour honorer ce précieux patrimoine, emprunt d’une longue histoire de métier et de celle des hommes qui l’ont entretenu et éprouvé. Ce projet prendra tout son sens quand cette belle dame de fonte et d’acier imprimera de nouveau. Et ça va se faire !
En attendant, il s’agissait déjà de la remettre sur pates ! Elle sommeillait dans la demeure familiale depuis quelques années, bien au chaud mais en morceaux. Il a déjà fallu la sortir de sa retraite, depuis son sous-sol, en passant par le jardin et quelques marches en prime avant de la hisser dans un utilitaire dont le seuil de chargement pointe à un demi-mètre du sol. C’est qu’elle est assez lourde. Les données constructeurs, proposées par M. Grinevald dans son ouvrage donnent 650 kg. Heureusement, elle était en morceaux, mais quand même… J’en profite pour saluer les braves qui m’ont prêté la main et qui sont part entière de l’aventure.
Aussi est-elle arrivée en trois pièces principales dans mon garage : le bâti avec pédale et platine, la partie arrière avec la table d’encrage et le marbre – réceptacle de la forme imprimante – puis le grand volant qui déjà à lui seul casse bien les reins. Je passe sur les bielles et la visserie ; négligeable…
Et là, on a fait comme les egyptiens : on l’a roulé sur des manches de bois, ceux-là même que je n’ai retirés qu’à la fin des présentes opérations. Il a eu des leviers en tous genres et du génie aussi pour se passer au début de quelque machine élévatrice. J’y ai pourtant eu recourt ensuite.
C’est donc avec la chèvre (sorte de potence élévatrice) de mon ami facteur de piano (bise !) que j’ai pu suspendre la partie arrière à engager dans le bâti. Là encore, et pour n’oublier personne, merci au camarade qui a déchargé ces équipements avec moi et qui, lui aussi, fait partie de l’expérience (big up ! Toi-même tu sais...) Ce ne fut plus alors que l’affaire de quelques ajustements pour enfiler l’axe porteur puis les bielles qui ensemble réunissent le corps de la machine. Enfin, quelques tours de roue pour emmancher le volant dans l’arbre principal et voilà le travail :
 
Manque sur la photo le plateau de distribution et d'enlèvement ; deux planches posées sur les plats devant l’opérateur pour faciliter l’alimentation de la presse en papier et débarrasser la platine de la feuille imprimée. Une nouvelle planche devra se substituer à l’existant un peu fragile… Mais surtout, ce sont les rouleaux et le châssis qui font défaut. Les mandrins d’abord, au nombre de quatre – pour un rouleau distributeur, un preneur et deux toucheurs – se sont perdus dans le parcours de la machine. Il s’agit maintenant de relever les cotes les plus précises pour obtenir l’entraxe des mandrins, la taille des fusées à leurs extrémités qui prendront dans les crochets des plongeurs, la hauteur des galets (ou roulements), celle du gainage par-dessus le corps des rouleaux pour les donner ensuite à habiller. Le châssis quant à lui nécessitera de dégoter les bons profils d’acier à souder ensuite et ajuster par endroit pour qu’il se « clippe »  sur le marbre. Autrement, tout va bien !
Quoi qu’il en soit, après quelques soins au pétrole pour décrassage et un regraissage sommaire par endroit, la belle mécanique s’anime naturellement, preuve de toutes les attentions dont elle a bénéficié sa vie durant. Aussi, elle en aura bientôt une nouvelle !
Reste à nettoyer plus en avant certaines parties, les sécher pour les lubrifier ensuite ; tout ça se fera au fur et à mesure, tranquillement. Elle est en place et répond déjà. Ma priorité est de l’équiper complètement pour qu’elle fonctionne. Pour le reste, elle conservera la patine de son grand âge, l’huile et la graisse assureront son hygiène de sorte à stabiliser les quelques attaques qui stigmatisent le métal ici ou là. Elle ne sera pas poncée sauvagement ni repeinte ; ses attributs originels sont tout son charme, encore, et pour longtemps !
Pas tout à fait sûr de moi sur le remontage de la barre de foulage à droite. Autrement, ça tourne tout seul. Enfin, ça fait les cuisses quand même…
(vidéo en cours d'édition...)
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Une émission trouvée sur la chaine de mon hébergeur préféré … Parce qu’il y a toujours plus fort (ou plus fou) quelque part ! Le hashtag du tweet qui suit ces deux épisodes est éloquent mais tellement vrai !


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