Avertissement.

Chers lecteurs, parfois les textes se jouent des ordres que je voudrais pourtant leur donner et s'affichent dans des tailles variables, à leur gré. Je ne prétendrais pas exceller dans le print mais c'est moins catastrophique que dans le numérique!!!

mercredi 16 décembre 2015

Letterpress tudo 'bom


 
Mi-octobre se tenait à São Paulo un cycle de conférences promu par l’Association Typographique Internationale précédé par un concours d’affiches réalisées par les moyens de l’impression typographique. Peu de trace malheureusement de cet événement mais quelques témoignages malgré tout pour célébrer ces formes renaissantes…
 


 

Le concours, lancé au printemps 2015, a "lancé" l’événement des 14-17 octobre derniers et l’expo organisée par Paulo Moretto.
 
 
Une vidéo sympathique à l'enthousiasme communicatif...

Je n’ai accédé au produit de ces manifestations que récemment, et encore… Le site de l’AtypI, promoteur de l’événement n’a pas mis à jour la page dédiée – où il était question des modalités du concours – depuis cet été, soit il y a plus de quatre mois !!! Les quelques curieux de s’en plaindre d’ailleurs sur la toile. Il s’agissait donc d’abord d’un appel pour réunir des productions essentiellement amateurs (peu de véritables « pro » dans ce domaine)  réalisées avec des caractères mobiles et pressées selon les modes qui me sont chers – mes quelques lecteurs doivent commencer à le comprendre.
 
La firme Hamilton, et son fameux catalogue de formes en bois. Aujourd'hui, un musée conserve ce précieux héritage du caractère d'affiche américain...


Avant de revenir sur les quelques images volées ici ou là, j’en profite pour m’attarder sur l’intitulé. Malheureusement, je n’ai pas accédé aux contenus des conférences. Ceci étant dit, une seule entrée était annoncée comme traitant du sujet qui nous intéresse, pour 30 minutes, en fin de journée, le dernier jour... On fera sans. Le seul sujet et les productions qui sont sorties en marge du rassemblement suffisent à ouvrir un dossier que je prolongerai bientôt sur le blog. C’est le sens même de l’expression « letterpress » qui est en question. En ce que le terme, en anglais,  signifie littéralement impression typographique. Ce qui sous tend, en première intention, et avant d’autres déploiements techniques qui nourrirent les possibles à mesure de l’histoire du métier, l’usage des caractères mobiles comme avaient su l’organiser Gutenberg, Fust et Schöffer. Voire en mieux…

Ainsi, les quelques participants au concours ont tapé dans leurs casses de caractères en bois et/ou en plomb, ils ont joué aussi avec leurs filets décoratifs, ont serré tout ça dans des châssis pour tirer quelques épreuves sur leurs presses typo « à l’ancienne ». Bon.

Depuis quelques temps, et je m’en réjouis, on voit le terme « letterpress » ressurgir en France ; il était déjà très présent outre atlantique. Différents graphistes, jeunes, s’y mettent après s’être épuisés devant un écran et tant ils sentent que leur pratique, à tel endroit s’assèche – le phénomène reste relativement confidentiel. Le « nouveau plaisir » que les acteurs de cette nouvelle scène y trouvent est celui du toucher. Le toucher du papier comme celui de l’encre. Et dans ce sens ils cultivent avec une certaine virtuosité le relief. Aussi, letterpress est synonyme, sous nos latitudes, de foulage. Tant et si bien que les travaux réalisés sous ce label tendance sont toujours fortement embossés – et parfois même les formes ne sont pas encrées de sorte à faire valoir l’empreinte en creux dans l’épaisseur de papiers à fort grammage. C’est une curieuse ironie quand, pendant des siècles, la qualité de telle impression se jugeait à la hauteur de l’absence de foulage, gage des meilleurs réglages de la machine. Aujourd’hui, les ateliers français de letterpress, travaillent majoritairement avec des clichés polymères qui s’enfoncent généreusement dans le papier. D’un certain point de vue, c’est heureux qu’ils n’utilisent que ces matrices d’impression. Comme me le confiait Frédéric Tachot à l’occasion d’une de nos dernières conversations dans son atelier à Saran, il est criminel d’écraser des plombs, réputés fragiles, dans des opérations qui les usent brutalement et prématurément.
 

Une affiche qui nous dit toute la fragilité de ce patrimoine que je m’investis modestement à sauvegarder. Sans doute incomplète cette casse ; elle force l’astuce créative car on ne saurait la mettre au rebut quel que soit son handicap tant le matériel est précieux et peut encore soutenir des gestes créatifs.
 

C’est là un étrange paradoxe, une sorte de petite perversion de ce retour  en grâce de l’impression typographique. Ce regain d’intérêt permet de restaurer des machines et de préserver activement des matériels menacés d’irrémédiable extinction. Ce réjouissant phénomène engendre de séduisantes et riches créations, il relance des gestes et techniques perdues et réinvestit aussi un répertoire de formes qu’on aime redécouvrir. Mais, tout en contribuant à la sauvegarde active de ce patrimoine matériel et immatériel, il néglige le caractère mobile qui est, tout de même, à l’origine de l’art typographique. Des notions telles la composition, l’habillage inhérentes à la révolution originelle de l’imprimerie ne sont plus des préoccupations de cette petite renaissance. En créant des clichés depuis des fichiers vectoriels – qui sont porteurs par ailleurs des valeurs esthétiques actuelles du design graphique –, on s’affranchit de ces autres contraintes de la composition typographique. Celles-ci peuvent pourtant être source de création. Une création non concurrente de la pratique et des outils les plus contemporains.   


 
Bon, il s’agit de ne pas trop bouder son plaisir et profiter de ces émissions encouragées par l’ATypI. Je reviendrai, j’espère, sous peu sur ces questions quand j’aurai les retours de récentes sollicitations de certains acteurs de la scène letterpress française. En attendant, j’ai glané quelques témoins de cette campagne. On trouve une ou deux vidéos, quelques photos. Encore une fois, rendons grâce à Luc Devroye à qui rien n’échappe et qui présente une petite dizaine d’affiches sur son formidable blog. Et moi de retourner à mes affaires frustré d’avoir manqué cette occasion de me soumettre à l’exercice ; c’est encore un peu tôt mais la prochaine fois, j’envoie !!!

 
L’atelier à l’envers, des savoyards – comme il existe dans la région un studio de letterpress « à la française » : Cocorico letterpress qui donne dans la carterie embossée au cliché polymère, segment très à la mode en ce moment…
On devine sous cette impression commise pour l’expo une page de l’illustre Bible 42 ; du moins ça y ressemble étrangement.

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