Mi-octobre se tenait à São Paulo un cycle de
conférences promu par l’Association Typographique Internationale précédé par un concours d’affiches réalisées par les moyens de l’impression
typographique. Peu de trace malheureusement de cet événement mais quelques
témoignages malgré tout pour célébrer ces formes renaissantes…
Le concours, lancé au printemps 2015, a "lancé" l’événement
des 14-17 octobre derniers et l’expo organisée par Paulo Moretto.
Je n’ai accédé au produit de ces manifestations que
récemment, et encore… Le site de l’AtypI, promoteur de l’événement n’a pas mis
à jour la page dédiée – où il était question des modalités du concours – depuis
cet été, soit il y a plus de quatre mois !!! Les quelques curieux de s’en plaindre
d’ailleurs sur la toile. Il s’agissait donc d’abord d’un appel pour réunir des
productions essentiellement amateurs (peu de véritables « pro » dans
ce domaine) réalisées avec des
caractères mobiles et pressées selon les modes qui me sont chers – mes quelques
lecteurs doivent commencer à le comprendre.
Avant de revenir sur les quelques images volées ici ou
là, j’en profite pour m’attarder sur l’intitulé. Malheureusement, je n’ai pas
accédé aux contenus des conférences. Ceci étant dit, une seule entrée était annoncée comme traitant du sujet qui nous intéresse, pour 30 minutes, en fin de journée, le dernier jour... On fera sans. Le seul sujet et les
productions qui sont sorties en marge du rassemblement suffisent à ouvrir un dossier que je prolongerai
bientôt sur le blog. C’est le sens même de l’expression « letterpress »
qui est en question. En ce que le terme, en anglais, signifie
littéralement impression typographique. Ce qui sous tend, en première
intention, et avant d’autres déploiements techniques qui nourrirent les possibles
à mesure de l’histoire du métier, l’usage des caractères mobiles comme avaient
su l’organiser Gutenberg, Fust et Schöffer. Voire en mieux…
Ainsi, les quelques participants au concours ont tapé
dans leurs casses de caractères en bois et/ou en plomb, ils ont joué aussi avec
leurs filets décoratifs, ont serré tout ça dans des châssis pour tirer quelques
épreuves sur leurs presses typo « à l’ancienne ». Bon.
Depuis quelques temps, et je m’en réjouis, on voit le
terme « letterpress » ressurgir en France ; il était déjà très
présent outre atlantique. Différents graphistes, jeunes, s’y mettent après s’être
épuisés devant un écran et tant ils sentent que leur pratique, à tel endroit s’assèche
– le phénomène reste relativement confidentiel. Le « nouveau plaisir »
que les acteurs de cette nouvelle scène y trouvent est celui du toucher. Le
toucher du papier comme celui de l’encre. Et dans ce sens ils cultivent avec
une certaine virtuosité le relief. Aussi, letterpress est synonyme, sous nos latitudes,
de foulage. Tant et si bien que les travaux réalisés sous ce label tendance
sont toujours fortement embossés – et parfois même les formes ne sont pas encrées
de sorte à faire valoir l’empreinte en creux dans l’épaisseur de papiers à fort
grammage. C’est une curieuse ironie quand, pendant des siècles, la qualité de
telle impression se jugeait à la hauteur de l’absence de foulage, gage des
meilleurs réglages de la machine. Aujourd’hui, les ateliers français de
letterpress, travaillent majoritairement avec des clichés polymères qui s’enfoncent
généreusement dans le papier. D’un certain point de vue, c’est heureux qu’ils n’utilisent
que ces matrices d’impression. Comme me le confiait Frédéric Tachot à l’occasion
d’une de nos dernières conversations dans son atelier à Saran, il est criminel
d’écraser des plombs, réputés fragiles, dans des opérations qui les usent brutalement
et prématurément.
Une affiche qui nous dit toute la fragilité de ce patrimoine que je m’investis modestement à sauvegarder. Sans doute incomplète cette casse ; elle force l’astuce créative car on ne saurait la mettre au rebut quel que soit son handicap tant le matériel est précieux et peut encore soutenir des gestes créatifs.
C’est là un étrange paradoxe, une sorte de petite perversion de ce retour en grâce de l’impression typographique. Ce regain d’intérêt permet de restaurer des machines et de préserver activement des matériels menacés d’irrémédiable extinction. Ce réjouissant phénomène engendre de séduisantes et riches créations, il relance des gestes et techniques perdues et réinvestit aussi un répertoire de formes qu’on aime redécouvrir. Mais, tout en contribuant à la sauvegarde active de ce patrimoine matériel et immatériel, il néglige le caractère mobile qui est, tout de même, à l’origine de l’art typographique. Des notions telles la composition, l’habillage inhérentes à la révolution originelle de l’imprimerie ne sont plus des préoccupations de cette petite renaissance. En créant des clichés depuis des fichiers vectoriels – qui sont porteurs par ailleurs des valeurs esthétiques actuelles du design graphique –, on s’affranchit de ces autres contraintes de la composition typographique. Celles-ci peuvent pourtant être source de création. Une création non concurrente de la pratique et des outils les plus contemporains.
L’atelier à l’envers, des savoyards – comme il existe dans la région un studio de letterpress « à la française » : Cocorico letterpress qui donne dans la carterie embossée au cliché polymère, segment très à la mode en ce moment…
On devine sous cette impression commise pour l’expo une page de l’illustre Bible 42 ; du moins ça y ressemble étrangement.
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